mercredi, 22 juillet 2020 00:00

Hamid Berrahma, l’enfant de Soustara…

Écrit par Tidadini Mustapha
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C’est tout à fait par hasard, en visitant le mur de Hamid Berrahma, ancien joueur des Rouge et Noir dans la fin des années 60 – début des années 70, que je suis tombé sur une de ses publications en lien avec l’USMA.
Berrahma regrettait que l’on ne parle pas trop des anciens joueurs pendant qu’ils sont encore en vie. Il cita Abdelkader Saâdi, Rachid Debbah, Kamel Chalabi…Le public a rarement l’occasion de croiser ou de côtoyer les talentueux aînés qui ont, chacun à leur tour, contribué à l’éclosion du palmarès, à la renommée, au développement et à l’amour de l’USMA. Une passion et un flambeau pour ceux qui ont pris le relais pour écrire l’histoire de par leurs performances.  

Quelques jours après la commémoration du 83e anniversaire de la création de l’USMA, Hamid Berrahma est revenu sur ce qu’il a appelé une « anecdote », un fait insolite qui a eu lieu un matin de février 1970, le 22 plus exactement, à quelques heures d’un huitième de finale de Coupe d’Algérie que l’USMA devait disputer devant l’USM Annaba au stade Ben Abdelmalek de Constantine.

N’ayant pas pu résister à l’envie de réserver quelques lignes à Hamid Berrahma sur notre site et sur notre page Facebook, je m’empressais de prendre contact avec lui pour lui demander son accord afin de publier son « anecdote ».

Encouragé par la réponse positive qui m’a été donnée, je m’enhardi à lui soumettre l’idée de réaliser une interview à distance avec sa personne puis à la publier. Hamid Berrahma déclina poliment la proposition pour des raisons pratiques de faisabilité. Il faut savoir que Hamid Berrahma, bien que septuagénaire, est resté très actif dans la vie professionnelle puisqu’il occupe le poste de Directeur général dans une société d'ingénierie allemande.

Qu’à cela ne tienne, notre site reprendra dans un premier temps sa publication en attendant de pouvoir revenir plus longuement sur la connaissance de celui dont la carrière footballistique à l’USMA s’annonçait prometteuse mais qu’il a dû quitter précocement pour poursuivre ses études supérieures en Allemagne (RFA à l’époque).

En guise d’introduction, Hamid Berrahma parle de la situation actuelle que vit notre football, notamment en cette période de Covid 19

« En cette triste période de pandémie, le championnat algérien ne reprendra certainement pas. Contrairement à un grand nombre de fédérations de football, dont la Deutscher Fußball-Bund (fédération allemande de football), la FAF s’est montrée incapable de prendre une décision, préférant botter en touche et se soustraire à une de ses prérogatives ».

Cette parenthèse fermée, Berrahma continue en se désolant sur le peu d’écrits qui sont consacrés aux anciennes gloires de l’USMA.

« L´homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ; il coule et nous passons ! » (Alphonse de Lamartine) titre-t-il

«L´USMA a toujours été un grand club et il le restera. Parfois on se remémore certaines grandes légendes usmistes disparues, mais souvent on oublie celles qui vivent encore, à l’image de Abdelkader Saâdi, Rachid Debbah ou encore Kamel Chalabi. Ces joueurs méritent qu’on leur rende hommage !

Si le Club a tendance à les oublier à mesure que passent les années, les fidèles supporters ne peuvent pas, ne doivent pas le faire. Il serait d’ailleurs bon que, de temps à autre, quelques lignes soient écrites à leur sujet. Cela permettra aux anciens supporters de se remémorer tous les bons moments que ces joueurs leur ont procuré, de les faire connaître du jeune public usmiste mais aussi de faire savoir à ces joueurs qu’ils sont toujours présents dans les esprits et les cœurs des supporters. Et puis, cela leur ferait tellement plaisir ! »

Berrahma enchaîne en nous faisant part de son anecdote, sujet principal de son écrit

Mais où était donc passé Hamid Berrahma ? Titre-t-il à nouveau

« Je vais vous parler de foot et d’un temps que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître.

22 février 1970, 8eme de finale de la coupe d´Algérie : USM Annaba – USM Alger au stade Ben Abdelmalek à Constantine.
Grande ambiance ! 8 bus remplis de supporters usmistes et un peu plus (12) du côté annabi effectuèrent le déplacement vers l’antique Cirta. Ceci, sans compter les nombreuses voitures particulières venues d’Alger et de Annaba dans lesquelles prirent place les supporters des deux camps. Quelle belle époque ! »

Berrahma introuvable !

« 4 heures environ avant le match, les membres de la délégation usmiste s’attablèrent au resto de l´hôtel Cirta de Constantine pour prendre le petit-déjeuner. Tous les membres, sauf Hamid Berrahma.
Ce jour-là, tout le monde me cherchait. Dirigeants usmistes, coéquipiers, entraîneur, mon père El Hadj Larbi, mon oncle Dadaï et j’en oublie.
Environ une demi-heure après que la délégation usmiste prit place dans le resto de l’hôtel, Berrahma n’était toujours pas là. L´entraîneur Abdelhamid Bellamine commença à s´énerver, il demanda à un dirigeant de voir où je pouvais bien être. Ce dernier frappa à la porte de ma chambre. Rien, aucune réponse. Il fit un tour dans la rue, aux alentours de l´hôtel, sans succès. Il revint bredouille au resto. On commença à s´inquiéter.
Entre temps, les deux grands supporters usmistes qu’étaient mon père El Hadj Larbi et mon oncle Dadaï, arrivèrent à l´hôtel pour saluer les présents. Ils arrivèrent à Constantine la veille avec deux voitures et savourèrent les délices de la belle ville de l´Est, qui, ah la belle époque, avait un charme fou la nuit.
Quand on leur signifia que personne ne savait où j’étais, ils furent grandement étonnés puis pris d’une petite panique, car mon père savait que j´étais un garçon plutôt sérieux et ponctuel.
Mon oncle Dadaï, un ex boxeur, me confia plus tard que, pensant que les supporters annabis m´avaient enlevé, des recherches allaient être entamées !!

Il faut savoir que ce jour-là, je devais marquer le meilleur attaquant annabi, l´ailier gauche Benslimane, qui, deux semaines auparavant, avait inscrit le but de la victoire contre nous. C’était au cours de la 14eme journée du championnat (8 février 1970) et l’USM Annaba avait pris le meilleur sur l’USMA (1-0) au stade Chabou. Un match auquel je n’avais pas participé puisque je n’avais pas effectué le déplacement à Annaba. Etudiant à la FAC d’Alger et devant préparer des examens, j’avais demandé à l’entraîneur Bellamine, Allah yerahmou, de me dispenser de jouer ce match-là.
Ce n’est que tout récemment que j’ai appris que c’était Saïd Allik qui avait pris ma place et qu’il avait passé un sale après-midi face au redoutable Benslimane.

 

 

Retour sur ce matin de la rencontre de huitième de finale. Où était donc passé Berrahma en ce 22 février 1970 ? Eh bien, Il était tout simplement dans la baignoire de sa chambre d´hôtel et prenait un bain chaud.
En effet, à mon réveil le matin, j’avais pensé que, comme partout en Algérie à cette époque-là, il y avait peu de chance de voir l’eau s’écouler du robinet. Et puis, grande surprise ! J´ouvre le robinet et l´eau ne s´arrête pas de couler. Sans hésitation, je rentrai dans la baignoire pleine aux 2/3 et fis une petite « plongée ». Depuis, des progrès ont été accomplis en matière d’approvisionnement en eau en Algérie et ce produit précieux se fait moins rare dans nos salles d’eau.
Je pensais donc me détendre pendant quelques minutes et par la suite descendre à la salle de restauration rejoindre les autres. Fatigué par le voyage en voiture de la veille, je m’endormis profondément dans cette merveilleuse baignoire. C´est pour cela que je n´entendis pas les coups contre ma porte, ce qui laissa penser à celui qui était venu cogner à ma porte que je n´étais pas dans la chambre.
« Bared’t qalbi », selon la belle expression algérienne que je traduis par « je me suis rafraîchi le cœur ». Je pris effectivement énormément de plaisir en me baignant.
Je ne me rappelle plus du temps que j’avais passé, endormi, dans la baignoire. Aujourd’hui, à mon âge, dormir de la sorte, comme une bûche, est impensable.
Réveillé en sursaut, je fis vite de m’habiller et descendis au resto. Au salon de l´hôtel je vis mon père et mon oncle qui, rassurés, me demandèrent où j´étais. Ma réponse donnée, je demandai, très cool, au barman de leur servir un thé de ma part.
Rentré au resto, je rejoignis ma place à la table des défenseurs. Belbekri, le capitaine de l´équipe, me demanda à son tour où j´étais passé. Il faut dire que tout le monde s’inquiétait de mon absence. Je lui dis simplement que j´avais dormi dans la baignoire. Et lui de répliquer « tu n´aurais pas dû faire ça ! L’eau chaude ramollit les muscles et tu peux te blesser durant le match ». Je l´ai regardé d’un air tranquille et lui ai assuré que je me sentais très bien.
Plus tard, à la fin du match qu´on avait gagné par 4 buts à 0, il vint vers moi et me donna une tape sur l´épaule en me disant « tu as fait un grand match, petit ». « Petit », un mot que je lui ai pardonné, car, ce jour-là, à 19 ans, j’étais le plus jeune joueur sur le terrain.
Il est bon de signaler que Benslimane, mon adversaire direct, fut totalement maitrisé par mon humble personne. Durant ce match, je fus époustouflant. Je montais sans cesse en attaque, comme en témoigne la préparation du 3eme but juste au début de la 2eme mi-temps. J’avais pris toute la défense des Annabis de vitesse avant de centrer en pleine course, à la limite de la ligne de corner, sur la tête de Aïssaoui qui n´eut aucune peine à marquer ce 3eme but qui sonna le glas pour Annaba.
En règle générale, quand une équipe est menée 2 à 0 à la mi-temps, c´est à elle de faire des efforts durant le premier quart-d´heure de la seconde période pour revenir dans le match. L´entraîneur Abdelhamid Bellamine nous avait d’ailleurs dit de nous méfier de la réaction des Annabis et de défendre d’abord durant les 10 premières minutes de la 2eme mi-temps. Mais, ce fut l´USM Alger qui frappa fort à la 49´ et qui assomma son adversaire.
Comme j´aimais l´offensive, je n´avais pas hésité à attaquer à la 49´et, aujourd’hui encore, je me rappelle du regard hagard de Ali Attoui, défenseur latéral de l´équipe nationale pendant de nombreuses années, qui, me regardant partir comme une flèche, savait qu´il n´allait jamais me rattraper.
On avait ainsi tué le match. Annaba était KO debout. Un but simple, inscrit en à peine moins d’une minute depuis le départ de l’action qui l’amena jusqu’à sa concrétisation ! Un une-deux avec Chalabi, une course folle de 70 mètres, un centre et Aïssaoui à la conclusion pour, sans doute, marquer de la tête un des buts les plus rapides et les plus faciles que l’USMA ait jamais inscrit.
Il suffisait de prendre la défense adverse de vitesse. Ce qui fut fait ! »

 

Hamid Berrahma terminera son récit en donnant son avis sur ce que devrait être un bon défenseur, citant quelques joueurs locaux et étrangers qu’il considère comme les meilleurs latéraux qu’il a eu à voir évoluer. 

« Mon jeu porté vers l’attaque a incontestablement été influencé par Fachetti, latéral gauche italien dont les montées offensives n’avaient pas d’égal à cette époque. Je lui vouais une grande admiration et voulais l’imiter dans ses moindres gestes.
Entre les années 1970 et 2020, deux joueurs ont essayé de jouer dans le même registre. Chaâbane Merezkane de la fabuleuse équipe de 82 et Youcef Atal, actuellement à l’OGC Nice, qui fit partie de l’effectif de l’EN qui avait remporté la CAN 2019. Ces joueurs ont compris qu’un défenseur ne doit pas se limiter à des tâches défensives. Il doit se porter en attaque pour aider ses coéquipiers.
Mais, pour moi, le meilleur arrière droit du monde reste l’ancien capitaine du Bayern de Munich et de l´équipe nationale allemande, le petit Philipe Lahm ». 

Ce petit récit de Hamid Berrahma nous ouvre l’appétit sur d’autres formidables anecdotes qui pourraient nous être racontées par les anciens. Qu’ils sachent que nos colonnes leur sont ouvertes. 

 

  

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