jeudi, 24 octobre 2013 13:35

INTERVIEW DE FREDDY ZEMMOUR (1ère Partie)

Au lendemain de la mémorable victoire de l’USMA en finale de la coupe d’Algérie, le 1er mai dernier, nous avons eu l’agréable surprise de lire ce commentaire sur la une de notre site : "Ancien joueur de l'USMA, de 1962 à 1968, je suis heureux de voir l’USMA vaincre le mouloudia d’Alger en finale de coupe d'Algérie.

C’est un grand moment ! J’ai fait partie de la première équipe championne de l'Algérie indépendante, mais je n'ai jamais été en finale de coupe d'Algérie, souvent barré par l'entente sétifienne notre bête noire de l'époque. Un grand bravo à l’USMA (joueurs et dirigeants) et à toute la famille de l’USMA."

Un ancien joueur de l’USMA des années 60 venait de se manifester après une longue période d’absence.

Freddy Zemmour (c’est de lui qu’il s’agit) tenait à s’associer à la famille usmiste pour partager l’immense joie procurée par le succès usmiste sur l’éternel rival mouloudéen mais surtout par le 8ème couronnement des Rouge et Noir en Coupe d’Algérie.

Nous avions tenu à remercier l’élégant demi droit de l’USMA au football de charme et avions profité pour lui demander s’il serait prêt à nous accorder une interview que nous nous proposions de publier sur la une de notre site.

Zemmour a eu l’amabilité d’accepter et de faire un effort de mémoire pour les supporters de l’USMA, pour ceux qui le connaissent et qui ont eu le bonheur de le voir évoluer mais aussi pour les plus jeunes qui n’ont pas eu la chance d’admirer celui qu’on appelait affectueusement Freddy.

Nous vous livrons, ci-après, la première partie de cette interview que Freddy Zemmour préfère appeler " ses mémoires "


Question : Freddy Zemmour, parlez-nous de votre enfance en Algérie. Où êtes-vous né ? Où avez-vous habité ? Quels établissements scolaires avez-vous fréquenté ?

Réponse : Je m’appelle Freddy ZEMMOUR et je suis né le 21 février 1942 à ALGER, au 9 rue Adolphe Blasselle, à Belcourt.

A l’âge de 2 ou 3 ans, je suis venu habiter au 85 Rue Sadi-Carnot (aujourd’hui rue Hassiba Ben Bouali), au Champ de Manœuvres (aujourd’hui Place du 1er mai). J’ai fréquenté l’Ecole Chazot, de la Maternelle à la classe de CM2, puis le Collège du Champ de Manœuvres, de la 6ème à la 3ème. J’ai ensuite fait une année à l’Ecole de l’Air de Cap Matifou en classe de 3ème TI, puis une classe de Seconde au Lycée Bugeaud (aujourd’hui Lycée Abd-El-Kader), et une classe de 1ère en autodidacte à la fin de laquelle j’ai passé mon bac.

Tous les étés de mon adolescence, je les ai passés à la Pointe-Pescade (aujourd’hui Raïs Hamidou, petit village balnéaire, à 10 km à l’Ouest d’Alger). Mes parents louaient un cabanon (petit meublé de 2/3 pièces) pour les 3 mois de vacances scolaires, dans un petit immeuble de 2 étages, qui se trouve à l’entrée du port de la Pointe-Pescade. Je passais mes journées avec les enfants de mon âge à la plage de Franco, à nager et à plonger du haut des " pontons " (énormes blocs de pierre) qui sont toujours plantés là, au milieu de la baie de la Pointe Pescade, fermée par 2 longs rochers qu’on appelait les " 2 îlots ". Nous plongions avec un style qui nous était propre et qu’on appelait " mauresqua ".

J’ai travaillé de 1960 à 1961 à la Société de GRANVIK, 24 rue Michelet (aujourd’hui rue Didouche Mourad) qui importait du bois de Norvège. En Janvier 1962, j’ai intégré l’armée française jusqu’en Septembre 1963. J’ai toujours été cantonné dans des camps militaires d’Alger ou de sa banlieue : Béni-Messous, Champ de Manœuvres (Place du 1er Mai), El-Harrach.

Au retour à la vie civile, j’ai habité chez ma mère en 1963 et 64 à Alger, 2 Rue Voinot.

Je me suis marié le 24 octobre 1964 au Consulat de France à Alger. J’ai alors habité au 22 bd Bougara jusqu’en Août 1968, date de mon départ en France. Le 18 Janvier 1965, mon fils Bruno, est né à Alger, à la clinique de l’Avenue Claude Debussy. Ma fille Sandrine, née le 30 janvier 1969 à St Maur des Fossés (région parisienne), a été conçue à Alger.

J’ai travaillé d’Octobre 1963 à Avril 1964, avec Krimo Tiffaoui gérant d’une petite entreprise de déménagements. Puis d’Avril 1964 à Juillet 1968, à la SALMA, société importatrice de matériel agricole, rue Lakhdar Ferkous (Belcourt).

Question : Que devient Freddy Zemmour ?

Réponse : Aujourd’hui, je suis retraité et j’habite en Bretagne, près de Vannes, après avoir vécu 34 ans à Paris et 10 ans au Puy-en-Velay (Haute-Loire).

Question : Où avez-vous commencé à taper dans un ballon ?

Réponse : J’ai appris à jouer au football à la sortie du Collège, sur les terrains vagues qui bordaient le " Foyer Civique " du Champ de Manœuvres, le long du Boulevard Lutaud.

Question : Dans quel club avez-vous signé votre première licence et en quelle catégorie ?

Réponse : Mon père ayant été un fervent supporter du Gallia d’Alger, j’ai commencé à jouer au football à 9 ans dans ce même club et j’ai été champion du département d’Alger dans les trois catégories, Minimes, Cadets et Juniors. J’ai fait ma première année de sénior au Gallia d’Alger en 1961-62. Cette année-là, j’ai joué avec Salah, Djermane, Zitouni Abdelghani, Nassou et Belbekri.

Question : Comment avez-vous atterrit à l’USMA ?

Réponse : A l’Indépendance de l’Algérie, j’étais donc militaire français en garnison à El-Harrach. Belbekri Boubekeur (Bob), avec qui j’avais joué au Gallia en cadet, junior et sénior, est allé voir ma mère qui habitait Alger, en octobre 1962, pour lui demander de me dire de le rejoindre à l’USMA, au stade Bologhine.

A cette époque, je sortais régulièrement de la caserne pour aller voir ma mère à Alger. Je me suis donc tout naturellement, présenté un jour, à l’entraînement de l’USMA, au stade Saint Eugène (aujourd’hui, Omar Hamadi ou Bologhine) où j’ai été accueilli chaleureusement par Bob qui m’a présenté à l’ensemble de l’équipe et à Abdelaziz Bentifour (Ben), l’entraîneur de l’époque. Voilà comment j’ai atterri à l’USMA !

Je ne remercierai jamais assez Bob d’avoir pris l’initiative de venir me chercher. Quand je le lui dis aujourd’hui, il me répond que je ne lui dois rien. Mais je sais, que concernant l’USMA, je lui dois tout. Nous avons été inséparables de 1958 à 62 (cadet-junior au Gallia d’Alger) et de 1962 à 68 (USMA). Nous avons formé une des meilleures paires de " demis " d’Algérie dans la période 1962-68. J’avais le n°4 et il avait le n°6. On jouait encore en WM.

Question : Vous souvenez-vous encore de vos anciens coéquipiers, entraîneurs, dirigeants (Tadilou, Madani, Kanoun, Boubekeur, Bentifour, Oualikene,…). Quelles ont été leurs qualités, leurs défauts… ?

Réponse : Oui, je m’en souviens…

Belbekri : celui que je remercie encore d’être venu me chercher pour jouer à l’USMA. Un pur gaucher, un " travailleur " ne comptant pas ses efforts, avec une volonté de fer et un esprit de gagne démesuré.

El Okbi : un gentleman dans la vie comme sur le terrain. Toujours élégant, style british avec chapeau melon et parapluie noirs. Il était toujours souriant et de bonne humeur, et souvent avec une pointe d’humour.

Boubekeur : Je crois qu’il n’a joué qu’une année à l’USMA. C’était un ancien professionnel, il avait joué à Monaco, et pressenti pour être international français en 1958, avant de rejoindre l’équipe du FLN. Un grand gardien de but, capable de s’envoler pour aller chercher un ballon dans l’équerre du but, mais d’une humeur insupportable sur le terrain. Il voulait tellement gagner, qu’il vous insultait si vous faisiez ce qu’il pensait être une erreur.

Bernaoui : On l’appelait " le sorcier ". Il avait une façon de toucher le ballon qui vous envoutait. Il faisait des " grigris " avec ses pieds dessus/dessous/autour du ballon. L’adversaire ne savait plus où était le ballon. C’était un spectacle à lui tout seul. Il aimait aussi faire le clown : un jour, sur le terrain, il reçoit un projectile lancé par un spectateur. Ce projectile était un morceau de pain ou de sandwich. Et bien, il l’a ramassé et simulé de le manger.

Djermane : un ailier rapide, au démarrage fulgurant. Quand il avait le ballon dans les pieds, il ne levait pas la tête et était capable de laisser sur place son arrière. Et là il filait tout seul au but ou au poteau de corner pour centrer. Je l’ai revu en 2009 à Alger.

Madani : un excellent arrière gauche, qui aimait bien " tripoter " le ballon.

Salah : arrière central avec qui j’avais joué au Gallia d’Alger, avant l’indépendance, puis à l’USMA après l’indépendance. Avec son expérience, il savait commander une défense, et il nous guidait bien sur le terrain, à nous, les jeunes. Il m’appelait " petit ", dans le sens protecteur et non pas péjoratif. Un jour à Batna, il avait secoué un joueur de Batna qui m’avait lâchement agressé.

Guitoun : un fin technicien distributeur de jeu, avec l’esprit malin. Je pense qu’il n’a pas toujours donné tout son potentiel.

Oulkhiar : arrière central, excellent de la tête. Très discret dans la vie. Il a remplacé Salah, après sa retraite sportive.

Kanoun : Un bon arrière d’aile difficile à passer. Très sérieux et concentré sur le terrain. Il faisait " son boulot ".

Meziani : Le chouchou des supporters de l’USMA. Le spécialiste du " petit-pont ". Les défenseurs passaient de sales moments avec lui. Capable aussi de faire la différence à lui tout seul. Malheureusement un peu trop personnel. En début de saison, il était toujours le dernier à signer sa licence.

Krimo : l’avant-centre pétri de qualités techniques, de bonnes intentions et de dévouement à l’équipe. Un battant, qui aimait le beau jeu. Un personnage plein d’envie de " vivre ".

Tadilou : un ailier capable du meilleur comme du pire. Il nous a fait gagner des matchs à lui tout seul. Ben (Bentifour) le chambrait souvent au vestiaire, quand il se faisait masser. Il disait au masseur : non, lui il faut le masser là (en montrant les tempes et le crane).

Aftouche : un arrière droit d’expérience, calme, serein, efficace. Gentleman dans la vie. Il était en fin de carrière.

Tahir Kamel : Un bon gardien de but, plein de vitalité et de bonne humeur. Une phrase de lui m’est restée : il disait souvent " quelle classe ! quelle élégance ! quelle simplicité ! "

Nadji : l’intellectuel du ballon rond. Il était étudiant à mon époque. J’aimais bien discuter avec lui. Il avait une approche très " cérébrale " du foot.

Abdelaziz Bentifour : un joueur hors pair, avec une technique du pied gauche remarquable. Je l’admirais quand il faisait un contrôle orienté de la poitrine. C’était un homme rigoureux, ne laissant pas place à la fantaisie et inspirant le respect, mais resté très humble malgré sa carrière sportive. Je suis arrivé une fois en retard, pour un match de championnat à Bologhine : je me suis retrouvé dans les tribunes.

Oualikene : Comme Ben, c’était un ancien " pro ". A mon époque, il était en fin de carrière. Grand technicien, distributeur de jeu. Il a entrainé l’USMA une année. Mais je le préférais comme joueur plutôt qu’entraineur.

Dahmane Oualane : un dirigeant dévoué de l’USMA que j’ai beaucoup apprécié. Il a été très protecteur concernant ma personne. Un vrai père pour moi. Je l’ai revu récemment à Paris et je l’appelle de temps en temps, pour avoir de ses nouvelles.

Je n’ai pas oublié mes autres co-équipiers : Branci, Saadi, Aissaoui, Djemaa, Rekkal, Mekkaoui, Hammar Rachid, Bouali, Matiben (qui a dû arrêter le foot sur blessure grave, dès la 1ère saison 1962-63).

Question : Est-il vrai que le regretté Abderrahmane Boubekeur (gardien de but) avait l’habitude de crier après vous pour que vous reveniez défendre ?

Réponse : Je n’ai pas été le seul joueur à avoir été insulté par Boubekeur. Je crois que tous les défenseurs avec qui il a joué ont été insultés un jour ou l’autre. Mais tout cela, c’était sur le terrain. En dehors du terrain c’était un personnage jovial charmant et blagueur. Je l’ai vu une fois devenir fou de rage, mais c’était à l’époque où il jouait à l’OMSE. Lors d’un match de coupe USMA-OMSE à Bologhine, Bernaoui lui avait marqué un but de la main (Maradona a d’ailleurs imité Bernaoui en marquant plus tard, le même but en Coupe du Monde contre l’Angleterre). L’arbitre nous avait accordé le but, et nous éliminons l’OMSE 1 à 0. Je crois que même en dehors du terrain, Boubekeur aurait étranglé Bernaoui.

Question : Quel est le coéquipier qui vous a le plus impressionné ? Et le coach qui vous a le plus marqué ?

Réponse : Pour parler du ou des co-équipiers qui m’ont le plus impressionné, je ne retiendrai pas les seules qualités sur le terrain, mais celles aussi dans la vie. Pour moi, les qualités d’un joueur de foot doivent aussi être celles d’un Homme. Elles ne doivent pas s’exercer que sur le terrain mais aussi en dehors du terrain, par un comportement exemplaire, une vie saine et inspirer la confiance. C’est pour ces raisons que je retiendrai, là encore, le nom du regretté Abdelaziz Bentifour, un joueur exceptionnel, droit sur le terrain comme dans la vie. Je ne peux pas ne pas citer, pour les mêmes raisons, Boubekeur Belbekri et le regretté Djamel El Okbi.

Le coach qui m’a le plus marqué, est sans aucun doute Abdelaziz Bentifour, qu’on appelait familièrement " Ben ". Pour le gamin que j’étais à l’époque, être entrainé, côtoyer et jouer avec une star du foot, 4 fois international français, ayant joué dans des clubs comme Nice et Monaco puis dans l’équipe du FLN, c’était comme un rêve devenu réalité. En 1964, je lui ai fait part de mon désir de devenir professionnel en France. Sa réponse a été nette : OK je vais parler de toi à l’OGC Nice, mais je te préviens, apprête-toi à " manger du pain noir ". Heureusement ou malheureusement (je ne le saurai jamais), l’OGC Nice a répondu qu’elle n’avait pas besoin de milieu de terrain à ce moment-là. Je suis donc resté à l’USMA. Je ne l’ai jamais regretté.

Question : Vos joueurs préférés en Algérie, et dans le monde ?

Réponse : Mes joueurs préférés aujourd’hui ? Je ne connais pas assez l’équipe Nationale d’Algérie pour désigner le ou les meilleurs joueurs. Pour désigner mon meilleur joueur, j’essaie de ne tenir compte que de mon jugement et de ne pas me laisser influencer par les médias, et je me réfère sur une période de plusieurs années. Là aussi, je prends en compte l’attitude du joueur hors du terrain.

Messi me parait être encore le meilleur, mais deux joueurs me plaisent beaucoup depuis un peu plus d’un an, Tiago Silva et Matuidi du PSG pour leur régularité à un niveau supérieur, et les interviews qu’ils ont données. Pour conforter mes idées, je n’aurais jamais donné le " Ballon d’Or " à Cristiano Ronaldo, qui est certes un grand joueur, mais à mes yeux un monstre d’égoïsme, sur le terrain, et un prétentieux et arrogant hors pair, en dehors du terrain.

Question : L’USMA de votre époque jouait formidablement bien mais ne réussissait pas à décrocher de titres. Est-il vrai que l’équipe privilégiait le beau jeu et le spectacle au détriment des résultats ?

Réponse : L’USMA de mon époque était réputée pour le beau jeu qu’elle fournissait. Nous avions, naturellement, en nous l’envie de beau jeu. Mais malheureusement, beau jeu et efficacité ne vont pas de pair. Meziani, Krimo, Bernaoui, Guitoun, Oualikene….. n’avaient ni l’esprit, ni le physique de " déménageurs " ou de " fonceurs ". C’étaient tous des fins techniciens. Seul Ben pouvait être aussi élégant qu’efficace dans son jeu. Mais il n’a été joueur qu’en 1962-63, année où nous avons été champion d’Algérie. Il nous a manqué des joueurs réalistes, alliant jeu et résultats.

Aujourd’hui, je peux me poser la question : Etions-nous dans le vrai ? Car nous n’avons plus gagné de titre après 1962-63. Nous étions effectivement l’équipe la plus belle à voir jouer. Nous jouions un football épuré, mais je reconnais que cela ne suffit pas. L’Histoire ne retient que les titres, et je regrette de ne pas en avoir gagné davantage, même si je suis fier d’avoir fait partie de cette équipe.

Question : Dans une interview donnée à un journal national, le regretté Rebih Krimo avait parlé du "label usmiste", d'une "marque de fabrique" dont l'USMA avait, en quelque sorte, le brevet et qui consistait en la production d'un football de très grande qualité, d'un comportement irréprochable des joueurs, sur et en dehors du terrain, et d'une certaine manière de vivre. Tout cela est-il exact ?

Réponse : Oui, mais cet état d’esprit n’était pas calculé, c’était naturel, c’était ce qui nous réunissait. Et à cette époque, on ne s’en rendait pas compte. Ce n’est que bien longtemps après qu’on a pu le réaliser.

Question : Est-il vrai qu'un esprit de camaraderie prévalait au sein de l'équipe dont vous faisiez partie ? Vous arrivait-il de vous voir, souvent, après vos rencontres de football ?

Réponse : Oui, bien sûr. Personnellement, après chaque match à Bologhine, j’allais boire un verre au kiosque en face de la Grande Poste, où je retrouvais Krimo, Ben, Bernaoui, Abaza etc…et beaucoup de supporters dont mon ami Mohamed (chauffeur du Maire d’Alger), Rachid Chicota (policier à Alger), et bien d’autres.

Question : Un souvenir d'un match qui vous a particulièrement marqué ?

Réponse : J’en ai plusieurs…

• Je ne me souviens plus de l’année exactement, 1964 ou 65, nous jouons à Oran, contre l’ASMO me semble-t-il, au Stade Habib Bouakeul (ex-Vincent Monréal). L’action se déroule près du poteau de corner de notre but. Un joueur de l’ASMO fait un centre très aérien du type " chandelle ". Le ballon part très haut dans les airs et dans le soleil, et semble devoir retomber derrière la cage défendue par El Okbi. El Okbi se prépare déjà à aller chercher le ballon derrière les buts, et il commence à contourner le but. Mais au moment où il se trouve à l’extérieur du petit filet, le ballon retombe devant le but, et un attaquant de l’ASMO marque dans le but vide. Je crois que c’est le but le plus idiot que j’ai pris dans ma carrière.

• En 1964 : notre défaite en quart de finale de coupe d’Algérie contre l’Entente Sétifienne 3 à 2 au stade El Anasser. C’est une défaite qui m’a marqué. Nous nous étions mis " au vert " à Chréa. L’Entente a eu de la réussite ce jour-là, elle marque un but sur coup franc à 25m. Le ballon est dévié par le visage de Bentifour et Boubekeur est pris à contre-pied. A la dernière minute, j’hérite d’un ballon aux 16m. Hélas, mon tir passe à quelques centimètres au-dessus de la barre.

• J’ai été sélectionné pour jouer en sélection de la Région d’Alger contre la Guinée, au stade " El Anasser " en 1964. Nous avons gagné 2 à 1, et je marque même un but dont je me souviens très bien encore : j’intercepte un centre venu de la gauche, en coupant au 1er poteau, et je marque du bout du pied droit dans le but situé côté tunnel d’accès au terrain. Le gardien de but de notre sélection d’Alger était Penaud Jean-Pierre, qui faisait des prodiges à l’USMMC (El-Harrach). Mais il n’a pas fini le match, blessé en 2ème mi-temps. C’est Zerga, gardien du Mouloudia, qui l’avait remplacé.

• En 1967, nous jouons au stade Bologhine en championnat (je ne me souviens plus de quelle équipe). Un joueur de l’équipe adverse faute sur moi, et je fais un geste pour me dégager de son étreinte. A la surprise générale, l’arbitre m’expulse du terrain. Je quitte le terrain en pleurant, car j’ai compris que je ne jouerai pas le match suivant contre l’Entente Sétifienne en demi-finale de Coupe d’Algérie à Constantine. Ce match était pour moi la revanche de la défaite subie en 64. Match que l’USMA perdra 2 à 0. J’ai toujours pensé qu’il s’agissait d’un coup monté pour ne pas que je joue contre l’Entente.

Question : Y a-t-il des faits particuliers qui vous ont marqué pendant tout le temps où vous étiez en Algérie, et après votre départ ?

Réponse : Les faits marquants de cette période où j’étais encore militaire et je jouais à l’USMA sont :

• Notre victoire en juin 63, dans la poule finale du Championnat d’Algérie, qui nous sacre 1ère équipe championne de l’Algérie indépendante : mon plus haut fait de gloire. J’ai joué la demi-finale contre l’USM Annaba. Nous faisons match nul 2 à 2, mais nous gagnons au nombre de corners. Je n’ai pas joué la finale contre le Mouloudia, que nous battons 3 à 0 (je ne me souviens plus pour quelle raison), mais j’ai fêté la victoire à la fin du match sur le terrain Image


• En Juillet 63, match de prestige à l’occasion de la visite en Algérie, du Roi du Maroc, Hassan II, au stade El Anasser, contre les FAR (Champion du Maroc). Résultat 3 à 3.

• Après un match disputé à Constantine (1963), nous retournons à Alger dans la voiture d’un dirigeant de l’USMA, une Dauphine Renault, avec 2 autres supporters. Je suis assis sur le siège arrière. Nous arrivons en vue d’Alger vers 2 heures du matin. Au bout de la grande ligne droite qui va de Bab-Ezzouar (ex-Retour de la Chasse) à El Harrach, pour une raison que j’ignore, la voiture fait plusieurs tonneaux, et s’immobilise sur l’îlot central de la chaussée. Le chauffeur et les 3 passagers sortons indemnes de l’accident. J’ai donc fini à pied les 3 ou 4 kilomètres qui me restaient pour atteindre ma caserne.

Les autres faits marquants relatifs à l’USMA :

• En 1964, au soir d’une victoire contre le CRB, un ami de l’USMA me propose d’aller fêter ça. Nous partons dans ma voiture décapotable de l’époque, une " Sunbeam ", du côté de Fort de l’Eau. Mon ami était une personne déjà adulte, qui aimait " faire la fête " et qui surtout était habitué à " faire la fête ", comparé à moi, qui étais encore jeune et novice. Il ne m’a pas fallu plus de 2 whiskies pour avoir la tête qui tourne. Quand nous rentrons sur Alger, tard dans la nuit, c’est mon ami qui prend le volant et qui se raccompagne tout naturellement chez lui, en haut de la rue Marengo. Il me laisse donc rentrer chez moi, rue Voinot, avec ma voiture. Je prends le volant, je démarre, j’arrive dans la rue Bencheneb, dans une courbe où se trouve la mosquée de la Médersa, j’apprécie mal le virage, et je percute une voiture en stationnement. Je ne demande pas mon reste, je fais marche arrière, et je redémarre sans laisser d’adresse (le propriétaire de la voiture que j’ai percutée, voudra bien m’excuser). J’arrive avenue Claude Debussy, quelques mètres plus bas que la clinique ou naitra plus tard mon fils, j’entends des coups de feu et je vois une voiture de police arrêtée au milieu de la rue. Pour ceux qui ne connaissent pas Alger, l’avenue Claude Debussy n’est pas très large, et a des voitures garées des 2 côtés. Ne pouvant pas passer, je m’arrête derrière elle, et par réflexe de sécurité, je descends et me mets à l’abri dans un renfoncement où des escaliers rejoignent le Bd Mohamed V. Au bout d’un moment, n’entendant plus rien, je décide de sortir la tête, mais les policiers qui redescendaient l’escalier, me tirent une rafale de mitraillette, qui heureusement ne me touche pas. Je crie " Ne tirez pas ! ne tirez pas ! ". Ils me répondent " sortez au milieu de la rue les mains en l’air ". Je m’exécute. Ils me demandent ce que je fais là, et je leur explique que leur voiture me bloquait. J’ai su ensuite qu’ils couraient après des voleurs qui venaient de dévaliser un magasin de l’avenue Claude Debussy. Mais, dans mon état de culpabilité à ce moment-là, la plus grande peur que j’ai eue, ce n’est pas que la police me tire dessus, c’est qu’ils me demandent pourquoi j’avais ma voiture avec l’avant enfoncé. Cela ne les a pas intrigué, ou peut-être ne s’en sont-ils pas aperçus, occupés qu’ils étaient, à courir après les voleurs.

• Le Président Ben Bella, ex-joueur de football à Marseille, était notre supporter d’honneur. Il lui est arrivé de déjeuner avec l’équipe de l’USMA, lors de " mise au vert " de l’équipe. Je me souviens que lors d’un de ces déjeuners, à " La Madrague ", il discutait avec Ben. Je suppose qu’ils parlaient de moi, car le Président Ben Bella m’interpella en me disant " Vas y Freddy, n’aie pas peur, je suis derrière toi ". Il voulait me stimuler évidemment, pour que mon rendement soit encore meilleur sur le terrain.

 

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