samedi, 12 novembre 2011 06:39

Témoignage de Rédha Amrani, Vice-président de la Fondation Casbah, chargé de la recherche documentaire et historique

Écrit par Reda Amrani
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Des écrits se rapportant à l’action révolutionnaire au cours de la Bataille d’Alger, à la martyrologie de l’USMA et à d’autres faits qui concernent l’activité politique des clubs, notamment dans la capitale, ont été publiés sur la page Face book du groupe de supporters qui se fait appeler « Kop United ».

Monsieur Redha Amrani, vice-président de la Fondation Casbah, chargé de la recherche documentaire et historique et fils de Abdelkader Amrani, ancien dirigeant et notamment ex président de l’USMA, a exprimé le souhait de pouvoir utiliser notre site pour apporter son témoignage sur le mouvement sportif algérien, d’avant l’indépendance.

Usm-alger.com n’est pas impliqué d’une façon directe dans la quête de la vérité historique. Il reproduit in extenso les deux versions données et ne privilégie aucune version sur une autre. Il se contente de permettre aux rédacteurs des deux versions de s’exprimer, comme il laisse ouvertes les pages de son site aux éventuelles contributions qui viendraient enrichir les deux documents, aux mises au point ou aux droits de réponse !

Voici, ci-après, la contribution que Monsieur Redha Amrani nous a faite parvenir. Tout ce qui y contenu a été écrit sous son entière responsabilité et les faits relatés, qu’ils concernent des personnes ou des entités, n’engagent que leur auteur.

Contribution de Monsieur Redha Amrani, vice-président de la Fondation Casbah, chargé de la recherche documentaire et historique :

« Ce témoignage sur le mouvement sportif algérien est une réponse à un document paru, non signé, sur la page Face book d’un groupe de supporters dénommé « Kop United », et qui comporte hélas quelques informations que je considère incomplètes et/ou erronées . (Copie de l'article L'USMA dans la lignée de novembre plus bas).

L’histoire de l’organisation du mouvement sportif algérien au service de la cause nationale reste à écrire car, dès 1939, Mohamed Taleb, membre du comité directeur du PPA, et ses compagnons se sont attelés à installer, voire infiltrer, des militants nationalistes du PPA dans les clubs dits «musulmans» et ce malgré les réticences de certains dirigeants, heureusement minoritaires ».


« Je m’efforcerais, à travers mon témoignage, de réhabiliter ceux qui, dans le document publié sur la page Face book, ont été omis volontairement ou pas et éviterais de mettre en avant un acteur sur un autre, une association sportive sur une autre ou un quartier sur un autre.

Ma version s’appuie sur des faits réels et vérifiables, relatés par mon défunt père, mais rapportés, également, sur la base de mes propres souvenirs et de mon propre vécu.

LA CESSATION DES ACTIVITES SPORTIVES PAR LES CLUBS MUSULMANS

La décision d'arrêter les activités sportives a été prise par Abane Ramdane et son application a été confiée à si Mohamed Hamada.

Les réunions se sont tenues au cercle de l'USMA au 7, rue de Bône. Elles étaient présidées par Mohamed Hamada, assisté de H’didouche de la JSMA (Jeunesse Sportive Musulmane d’Alger) et Mustapha Dahmoune de l'ESMA (Espérance Sportive Musulmane d’Alger).

A l’époque, Mohamed Hamada cumulait les postes de vice président à l'USMA et de président de la section de basket-ball. L’USMA était également représentée par mon père Amrani Abdelkader et par Sid Ali Cherifi, président de la section football. Mon père occupait la fonction de trésorier à l'USMA, alors que la présidence du club était confiée à Saïd Meddad.

Ahmed Kemmat occupait, quant à lui, le poste de secrétaire général de l’USMA.

Le secrétariat des réunions était tenu par M'hamed Matoub, jeune fonctionnaire des impôts et secrétaire joueur de la JSMA.

Pour la précision, M’hamed Matoub est, Dieu merci, toujours en vie et tout ce qui a été écrit dans la version que je donne peut être vérifié auprès de lui, si nécessaire.

A la décision prise par le FLN de faire cesser aux clubs musulmans toute activité sportive, deux clubs de l'Algérois avaient refusé de se plier aux instructions données par
Abane Ramdane. Il s’agissait du MCA et de l'USMB.

En réponse au refus de ces deux clubs de cesser leurs activités, il fut envisagé de jeter une grenade au cercle du MCA, rue Saint Louis, par le fidaï Moulay, qui deviendra après l’indépendance le secrétaire général de la FAF.

En raison du risque encouru par les supporters innocents qui se trouveraient à cet endroit, au moment de l’action envisagée, Mohamed Hamada, chef des groupes armés qui opéraient à Alger sous la hiérarchie de Ouamrane (chef de la région centre de la future wilaya IV), changea de stratégie.

Il fut alors décidé de provoquer des incidents au stade de Saint Eugène, au cours de la rencontre qui devait opposer le MCA au GSA (Galia Sport Algérois).

Pour l’anecdote, le match eu lieu et se termina sur le score de 1 à 1.

Présent au stade, en compagnie de Mohamed Reggabi et de son défunt père Ali, mort au combat, nous avons été témoins des incidents provoqués par un groupe de fidayîn dont l’un d’entre eux était le chahid Licir Mohamed, joueur de l’ESMA.

Ces incidents n’ont pas eu l’effet escompté et l’action tendant à perturber une rencontre que le MCA devait jouer fut reconduite la semaine d’après.
En effet, le dimanche d’après, le MCA devait rencontrer l’ASSE (Association Sportive Saint Eugénoise). Ce jour-là, nous étions, également, présents (Mohamed Reggabi, son père Ali et moi-même).

Cette fois-ci, les fidayîn étaient en plus grand nombre et les leçons, tirées du dernier échec, avaient été retenues. Dès la fin de la première mi-temps, des échauffourées avaient été provoquées au niveau de la tribune Nord (la tribune située du côté mer). Elles se répétèrent juste après le coup d’envoi de la seconde mi-temps et furent si violentes qu’elle obligèrent les organisateurs et le service d’ordre à arrêter la partie. Une bagarre générale se produisit provoquant l’intervention massive et musclée de la police.

Là aussi, pour l’anecdote, le score était de parité au moment de l’arrêt du match (MCA 1 ASSE 1). C’est Hocine Bouchache, futur joueur de la glorieuse équipe du FLN, qui marqua le but saint eugénois.

Les accrochages avec la police se sont poursuivis à la sortie du stade et de nombreux spectateurs furent arrêtés au niveau du quartier de Bab El Oued, à la Consolation, par la police, appuyée par des éléments de l'armée française.

Le lendemain, était publié sur la presse locale, notamment l'Echo d'Alger et le Journal d'Alger, un communiqué, signé par le président du MCA M. Tiar, dans lequel il déclarait que, suite aux incidents qui s’étaient produits lors du match MCA-ASSE, le MCA avait décidé de cesser toute activité sportive.

Le MCA rejoignait ainsi ceux qui l’avaient précédé dans le boycott des compétitions sportives, à savoir les clubs de l’USMA, l’ESMA, la JSMA, l’USMMC, le CCA, le NAHD, le WRB et la JSK.
Ces informations peuvent être vérifiées en consultant les archives des deux journaux cités plus haut, disponibles au niveau de la Bibliothèque Nationale d’Alger.

LES PRINCIPAUX ORGANISATEURS DU BOYCOTT

Je confirme que l'organisateur de toutes ces opérations était le chahid Mohamed Hamada, assisté de H’didouche et de Mustapha Dahmoune.

Par ailleurs, le chahid Zioui du NAHD, compagnon de Mohamed Hamada, a participé à toutes ces actions.

Le responsable des finances au sein de l'organisation du FLN à Alger était Mahmoud Abdoun. Il fut exclu du Conseil d'administration du MCA en 1951, après avoir été démasqué suite à l’affaire de l'OS (Organisation Spéciale). Mahmoud Abdoun avait été infiltré au sein du MCA par Mohamed Taleb, membre du comité directeur du PPA.
Mahmoud Abdoun était assisté, dans sa mission, par Mohamed Chergui et Sid Ali Cherifi.


Sur instruction de Abane Ramdane, ils avaient réussi à récupérer le fichier fiscal de tous les commerçants, industriels et autres activités de service dirigées par des algériens en vue de leur demander de contribuer financièrement à l’effort de guerre, en versant au FLN, les mêmes montants qu’ils payaient à l’administration fiscale coloniale.


LA MARTYRIOLOGIE DE L’USMA

S’agissant des martyrs que l’USMA a donné à la cause nationale, il faut lire Mohamed Hamada, Taleb Mohamed, Taleb Omar, Reggabi Ali.
A ceux-là s’ajoutent Ahcène Askri, Sid Ali Bayou et Omar Sahnoun.
Il ne faut pas oublier, également, Mohamed Hattab, dit Habib Redha, qui dirigeait le réseau de bombes au sein de la zone autonome d’Alger et qui fut condamné à mort, puis gracié. Mohamed Hattab était basketteur à l’USMA.
D’autres martyrs ont pu être omis ! C’est pour cela, qu’afin de ne pas trahir la mémoire des chouhadas et par devoir de vérité, la mémoire des anciens doit être interrogée. L’écriture de l’histoire doit être confiée aux chercheurs et aux historiens et sa divulgation doit être dénuée de tout parti pris !

LES CERCLES SPORTIFS DE L’USMA

Après avoir été créée au Café de Rezki Meddad, à la Casbah, l’USMA s’installa à la rue Saint Louis, place de Chartres.
D’autres informations disent que, par la suite, l’USMA a élu siège au Café de Hadj Abderrahmane Benkanoun puis à la rue de Thèbes, chez un dirigeant dont je n’arrive pas à me rappeler le nom. Ces informations, dont le souvenir est très lointain, m’ont été données par mon regretté père.

L’USMA en fit son siège et partagea son habitation avec une école d'arabe pour adultes.

Le local appartenait, conjointement, à un israélite et à un algérois de pure souche, Ahmed Lekhal dit " Lekzadri ". Le paiement du loyer fut inscrit au nom de Mohamed Benchikh L’hocine, que Sid Ali Abdelhamid avait fait venir de Constantine pour enseigner l'arabe au nom du PPA.

Ce cercle fut retiré à l'USMA et l'école fut fermée, après que des dirigeants du MCA soient allés dire aux deux propriétaires que le local en question n’était utilisé ni pour enseigner l’arabe, ni à usage de cercle sportif, mais plutôt comme une salle de réunion pour les besoins du PPA. Cette dénonciation provoqua la fermeture du cercle et de l’école.

Juste après, Sid Ali Abdelhamid et mon père se rendirent, ensemble, à Constantine pour ramener Cheikh Abdelhakim Benchikh L’hocine, jeune frère de Mohamed.

Ils ouvrirent, pour le compte du PPA, l'Ecole " Errached " à Djamaâ Lihoud, dans un appartement loué à un israélite qui, bien que s’étant rendu compte que l’école appartenait au PPA, avait accepté, quand même de le louer.

Chikh Abdelhakim et Sid Ali Abdelhamid sont encore vivants, que Dieu " le Tout Puissant " leur accorde une longue vie et une meilleure santé ! Ils pourront, si besoin est, confirmer individuellement ce témoignage.

Par la suite, l’USMA élit domicile au 7, rue de Bône.
La Casbah, qu’on soupçonnait d’abriter le plus gros des résistants, venait d’être ceinturée par un réseau de fils de barbelés d’où ne perçaient que quelques passages, fortement surveillés et contrôlés.

Les autorités coloniales, s’étant aperçues que le siège de l’USMA servait de refuge aux fidayîn, firent occuper le cercle par une compagnie de zouaves, en novembre 1956, puis par des parachutistes qui le transformèrent en centre de tortures.

Toutes les archives administratives et techniques de l’USMA furent saisies par l’armée d’occupation.


LES GROUPES ARMES À ALGER

Après l'arrestation de Zoubir Bouadjadj et de Rabah Bitat, Yacef Saâdi fut arrêté en France, à son retour de Suisse, en Mars 1955 (sous toutes réserves concernant la date). Il fut transféré à Alger où il fut incarcéré à la prison de Serkadji.

Les groupes armés furent reconstitués par Mohamed Hamada, sous l'autorité de Krim Belkacem et de Ouamrane.

Les premiers attentats qui eurent lieu à Alger furent effectués par Ahcène Laskri.

Par la suite les groupes de Belcourt, d’El Harrach, de Hussein dey, de Zghara et de la Casbah furent organisés par Mohamed Hamada dont les adjoints étaient Mustapha Dahmoune et H’didouche.

Tous ces groupes ont activé sous les ordres de Mohamed Hamada jusqu'au 20 août 1956, date de son assassinat par les tueurs du MNA.

Une année auparavant, Mohamed Hamada avait été déjà blessé et soigné à la clinique des Rosiers. Il fut blessé par des agents du MNA lorsque ces derniers attaquèrent sa boulangerie située à la Baucheray, en contrebas du quartier des Tagarins. Au cours de cette attaque le Chahid Ahcène Askri, qui se trouvait en compagnie de Mohamed Hamada, y laissa sa vie.

Les fidayîn, encore vivants à ce jour, tels Zoubir Bouadjadj, Boualem Abbaza et ceux issus du quartier de Belcourt et auprès de qui je m’excuse de ne pas me souvenir de leurs noms, peuvent confirmer la véracité de ces faits.

Pour l’anecdote, Boualem Abbaza reçut même de son chef, Mohamed Hamada, en juin 1956, une mitraillette de marque Stein, qui était cachée chez nous, parce que son groupe avait fait du bon travail.

Les éclaircissements et les compléments d’information que j’apporte à travers ce témoignage ne sont faits que par respect à nos valeureux martyrs.

Que celui ou ceux qui peuvent corriger ou compléter ces écrits le fassent !

Amitiés
Redha Amrani

PS : S'agissant des couleurs de l'USMA, il faut savoir qu'elles étaient grenat et rouge à la création du club en 1937. Elles furent modifiées en rouge et noir après les manifestations de mai 1945, en hommage aux victimes de la répression française.

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L'USMA dans la lignée de novembre

Nul doute que chacun de vous connaît l'histoire de la guerre de libération, et de sa ramification dans tous les secteurs de la vie, le football entre autres. C'est ainsi, qu'en 1956, que la direction centrale du FLN/ALN décida de cesser toutes activités sportives des clubs musulmans, mais certains détails restent malheureusement inconnus. Ces détails la, nous sommes allés les cherchés dans la memoire des anciens et que nous avons vérfiés dans la presse française de l'époque. Les informations recueillies prouvent et démontrent le rôle extrêmement positif que notre cher club a joué.


En effet, la dite réunion pour l'arrêt du football s'est tenue au cercle de l'USMA, Rue de Bône, sous la présidence de M. Ali Cherifi, vice-président de l'USMA et responsable des finances de la zone autonome d'Alger(ZAA) FLN/ALN. Les présidents de tous les clubs étaient présents et une décision patriotique fut prise. Trois clubs continueront quand même à jouer .Le MCA, USMB et la JSEB. De ces trois clubs, seul la JS El-Biar était autorisée par les responsables afin de disputer un match de coupe de France. Le Mouloudia et Blida le feront par décision propre.

Réagissant à ce refus du vieux club algérois, les responsables de la ZAA désignèrent deux fidayînes chargés d'aller créer le désordre lors du match ASSE/MCA au stade de Saint Eugène afin de pousser le MCA à la cessation d'activités. Ces deux martyrs sont deux joueurs de l'USMA et ont pour nom :

-Boudissa Abdelkader dit « Chichois », tombé au champ d'honneur dans la wilaya IV
-Ferhaoui Rachid dit « Rachid Red », condamné à mort en 1957

Il faut aussi noter que les deux premiers responsables de la Zone Autonome d'Alger (ZAA) FLN/ALN sont deux éléments de la maison Usmiste :
-Zoubir Bouadjadj, également membre des 22 qui ont crées le FLN et déclenchés la guerre de libération
-Yacef Saadi, colonel de l'ALN. Chef de la ZAA et successeur de Zoubir Bouadjadj.

Le sacrifice des Rouge et Noir ne s'arrêtera pas là, puisque le club de Soustara donnera le plus grand nombre de Chahids (martyrs) à la révolution parmi les clubs de football, et ce nombre s'élève à 42, dont deux chefs de régions :
-Le capitaine Allel Oukid, chef de la 4e région de la wilaya IV
-Bennacer Mohamed Arezki, chef de la 3e région de la ZAA et responsable du réseau bombes

Voici la liste des martyrs de l'USMA:

Benkanoune Noureddine
Belkraoui Abdelkader
Abbas Taher
Halami Mohamed
Salama Abderezak
Lahmar Ali
Chrih Moussa
Hamitouche Mohamed
Djouab Mustapha
Doudah Athmane
Mekkiri Boualem
Belhaddad Kamel
Louchal Mahmoud
Djaknoune Mohamed
Djaknoune Ahmed
Hachlaf Hamada
Boussoura Abderahmane
Lalal Omar
Sahnoune
Boudissa Abdelkader
Ouaguenouni Mustapha
Bennacer Moh Arezki
Oukid Mustapha
Moudhab Mustapha
Lounes Mustapha
Arbaji Abderahmane
Allal Oukid
Zenouda Kheireddine
Rekabi Mohamed
Taled Mohamed
Maidi Achour
Benghenif Mohamed
Timsit Mouloud
Merdab Boualem
Toumiat Ali
Doussas Djelloul
Taleb Abderahmane
Taleb Amar
Boulenjas Mohamed
Tazairte Mohamed
Basta Mohamed



L’USMA et la guerre de libération

A cause ou grâce à ce passé, il était naturel que l’USMA soit aux avant-postes le 1er Novembre 1954, du moins pour la capitale. Le FLN/ALN n’avait pas encore la structure pyramidale bien huilée qui fut la sienne à partir du congrès de la Soummam, le 20 Août 1956. Faisant partie de la zone 4 (plus tard la glorieuse Wilaya IV), Alger avait une large autonomie. La zone 4 devait être dirigé par Didouche Mourad, un natif de la Redoute (El Mouradia) et qui avait pratiqué la gymnastique au sein de l’USMA. A Rabah Bitat, autre élément majeur du déclenchement de la guerre de libération, avait échu la zone 2 (Nord.Constantinois). Mais pour des raisons qui n’ont jamais été élucidées, Didouche et Bitat permutèrent et Bitat s’installa à Alger pour diriger la zone 4. Mais ce dernier ne connaissant rien à la capitale, c’est à Zoubir Bouadjadj que revient la mission d’organiser les premières actions armées.

Bouadjadj, en plus de ses activités nationalistes était footballeur à ….l’USMA. Durant plusieurs années, il a tenu le poste d’arrière gauche, ou sa rugosité et sa bonne puissance physique en faisaient un défenseur redouté par tous les attaquants. Il joua un rôle essentiel et primordial dans l’organisation de la fameuse réunion des « 22 », tenue à Clos Salembier (El Madania) pour décider du déclenchement de la guerre de libération. Toute la logistique lui retombait sur le dos et il s’en acquitta si bien que Didouche Mourad (avant de quitter Alger et de tomber en chahid en 1955) lui délégua le rôle de recevoir et de transporter tous les militants venus de différents coins de l’algérois, pour les regrouper à Crescia (Khraicia) avant qu’ils ne se rendent dans la Mitidja pour y exécuter leurs premières opérations. Zoubir Bouadjadj fut donc le premier usmiste à occuper un si haut poste dans la hiérarchie du FLN/ALN.

Pour la Casbah, Bouadjadj désigna Yacef Saadi afin de diriger la manœuvre. Joueur de l’USMA, Yacef choisit son premier groupe de Fidaiyine. A qui fit-il appel ? A d’autres joueurs de l’USMA comme lui. Ainsi se retrouvèrent réunis Abdelkader Tchikou,Amar Aidoun,Hamid Chibane,Abderahmane Arbadji et Abdelkader Djaknoun dit « El Mechri ».
Ils seront rejoints un peu plus tard dans les rangs du FLN/ALN par d’autres usmistes. En premier lieu, Mohand Arezki Bennacer dit Si Toufik, chef de la région 3, qui interrompit très vite sa carrière sportive pour cause d’asthme. Puis Hattab Mohamed, acteur de théâtre de grand talent sous le nom de Habib Redha, responsable des cellules « bombes ».

Les premières actions armées furent l’œuvre d’Abderahmane Arbadji. Identifié par la police française, Abderahmane sera activement recherché. Le 23 Février 1957, victime d’une dénonciation, il se battit jusqu’à la mort sur les terrasses des maisons de la Casbah. Parmi ses compagnons, figuraient Omar Hamadi et Boualem Abbaza (de son vrai nom Boualem Attalah). Très proches des dirigeants de l’USMA ,Omar Hamadi, qui fut assassiné par les terroristes en 1994, et Boualem Abbaza furent respectivement Vice-président du club et président de la section football de l’USMA après l’indépendance, après être sortis indemnes et du maquis (Wilaya IV) et des cellules des condamnés à mort.

Voici par ailleurs ce que rapportait un journaliste du quotidien le journal d’Alger : « Ce club, l’USMA, dont le siége se trouve 6, rue de Bône, a donné tout l’état-major de la Rébellion à Alger et le démantèlement par la police des cellules du FLN a démontré le rôle néfaste joué par ce club ».

Puis est arrivé le mois de mars 56. La guerre bat son plein et le peuple algérien, à de rares exceptions, sous la bannière du FLN/ALN. A l’est du pays, tous les clubs musulmans ont stoppé leurs activités sportives, et certains de leurs joueurs se battent dans les maquis des zones 1 et 2. Il était sur donc que les clubs du reste du pays (centre et ouest) n’allaient pas rester en marge du mouvement.
Pour Alger, c’est Bouzrina Arezki dit « hdidouche », beau-frère de Yacef Saadi et dirigeant de l’ESMA (club malheureusement disparu dans les années 80) qui sur instruction de Yacef Saadi doit faire appliquer l’insurrection. Une première prose de contact à lieu au siège du CCA à l’initiative de M. Zani Mohamed, président de ce club. Aucune décision n’ayant été prise, rendez-vous est pris pour une semaine plus tard au siége de l’USMA au 6, Rue de Bône. Le premier « local » de l’USMA était situé place de Chartres dans un immeuble loué par le PPA avec un prête-nom et géré par la section d’Alger. Sid Ali Abdelhamid, membre du comité central du PPA puis du MTLD, explique que sur dénonciation, la préfecture d’Alger a ordonné au propriétaire, un israélite, de mettre fin au bail et de reprendre son bien. L’USMA déménagera donc au 6, Rue de Bône pendant que celui de la place de chartres sera alloué au…..MCA.
C’est donc au nouveau siège du club, le 5 Mars 1956, que tous les clubs musulmans d’Alger sont la, contrairement à la fois précédente et le MCA fut enfin présent et représenté par son président, M.Sid Ahmed Djaoud.

Ce jour la, M. Sid Ali Cherifi, président de l’USMA et en même temps, trésorier du FLN/ALN, dirige la réunion. Il a donné instruction à deux joueurs cadets du club de faire le guet à l’extérieur et d’alerter les participants en cas de danger. Ces deux jeunes sont Hamid Benkanoun, fils du célèbre rebouteur El Hadj Dahmane Benkanoun, également membre fondateur de l’USMA et dont le café de la rue Randon est devenu le lieu de rencontre de tous les usmiste, et Mustapha Boudissa, frère de Abdelkader « chichoi », joueur du club, tombé au champ d’honneur en 1959. Ces jeunes se souviennent. Ils racontent :

« Nous étions assis comme d’habitude devant le cercle de l’USMA, mon ami Mustapha et moi et on a remarqué un arrivée massive de gens siège du club. On se demandait ce qui se passait. Abdelkader Berbachi, ancien gardien de l’USMA (toujours en vie), nous a mit au parfum et nous demanda de les aviser en cas de danger. Il sortira plus tard, pour nous faire un geste comme quoi tout est fini. Il faut dire que Cherifi nous avait préparé à ça et ce lors d’une convocation de sa part ou il nous avait demandé de nous comporter comme des hommes et non plus comme des voyous. Nous ne l’étions pas, mais il est vrai qu’on avait plein de trucs à se reprocher. Il nous avouera même que devant la demande du FLN de préparer les hommes de l’USMA pour le maquis, il leur a rétorqué qu’il n’avait que des enfants à leur offrir, car nous nous comportions en tant que tel. Cette phrase nous a fait réagir et elle résonne encore dans nos têtes. ».

Au lendemain de la décision, un quotidien d’Alger rappela que tous les clubs musulmans s’étaient arrêtés de fonctionner, à l’exception de ceux qui jouaient en division d’honneur (MCA, USMB, USMO, USMBA). Le MCA affrontait en ce même mois au stade de Saint-Eugene archi-comble l’ASSE et le FLN/ALN a désigné quatre militants, le chahid Abdelkader CHICHOUA, FERHAOUI Rachid (futur condamné à mort), KERRAZ Mohamed et le fameux Moulay, secrétaire général de la FAF après l’indépendance, a fin de susciter des troubles. Les quatre hommes arrivèrent à leur but en provoquant une émeute, qui débouchera sur des heurts entre supporters du MCA et la Police, heurts durant lesquels Chichoua assomme un policier et prend la fuite.
Le lendemain, le MCA annonce qu’il cesse toutes les activités, rejoignant ainsi l’USMA, l’ESMA, la JSMA, le CCA,l e RCK, l’USMMC(Harrach), le WAB, l’USMM (Hadjout) et tous les autres clubs musulmans. Des lors, beaucoup de joueurs de ces clubs rejoignent les maquis de la zone 4, devenu Wilaya IV.

L’un d’entre eux, Youcef KHATIB, défenseur central de l’ASO sera d’abord médecin de la Wilaya IV, puis son chef sous le nom de Colonel Si Hassen. Un autre, Lakhdar Bouchama, joueur du Mouloudia de Cherchell, un homme et un chef de grande valeur,atteindra le grade commandant,avant d’être exécuté suite à une décision injuste et précipitée,pour atteinte à la discipline et à la hiérarchie révolutionnaire.

Braham BRAKNI, un élégant milieu de terrain de l’USMBlida, sera également officier de la Wilaya IV. Il tombera au champ d’honneur en 1959, sur les hauteurs des monts surplombant Cherchell.
Un peu plus tard, l’O.Médéa comptait en son sein un excellent coureur de demi-fond, qui fut champion d’Algérie du 1500 m : Lies IMAM. Ce dernier a quitté le lycée Bencheneb en 1956, suite à la grève faussement appelée « grève des étudiants », alors qu’elle fut d’abord celle des lycéens et collégiens. IMAM est une véritable légende en Wilaya IV par ses actes de bravoure et son sens du commandement. Il fut le chef du fameux commando Djamel et mourut au combat à Kherba, entre Chlef et Ténès.

L’USSMC (El Harrach) a donné plusieurs moudjahidines et des chouhadas. Ce club à la particularité d’avoir été le seul à avoir joué deux ou trois rencontre avec un maillot aux couleurs nationales (Vert et blanc frappé du croissant et de l’étoile rouge), avant d’être rappelé à l’ordre. Le CCA a donné au pays une quinzaine de chahid, tout comme la JSMA, l’ESMA, le RCK et le NAHD.

Et notre cher club dans tout ça ?

Et bien, disons que nous ne sommes pas restés en marge et que l’USMA a largement payée son tribut.
Nous avons écrit plus haut que le premier chahid de l’USMA fut Abderahmane ARBADJI. C’était en 1956. Après la grève des 6 jours et la répression qui s’était abattu sur Alger et à l’exception de Boutalbi Abdelmadjid (Kabylie) et Allel Oukil (Wilaya V), tous les autres rejoignirent la Wilaya IV.

-Boudissa Abdelkader (Chichoua) s’était évadé du lieu d’interrogation et de torture du 3e RPC (Régiment des Parachutistes Coloniaux), à moitié nu et avait regagné les rangs de la Wilaya IV. Très vite sont dynamisme et son endurance intéressèrent Si M’hamed Bougara, surnommé « le père de la Wilaya » pour sa grande disponibilité envers les djounouds, sa simplicité et sa gentillesse. « Chichoua » fut nommé agent de liaison du chef de Wilaya et responsable de l’acheminement des djounouds de la Wilaya IV vers les frontières EST. Il installera son PC au Djebel Boutaleb pour s’occuper aussi du ravitaillement et de l’armement pour la Wilaya IV. Il tombera au champ d’honneur en 1959, loin de sa casbah qu’il aimait tant.

-Boudeb Mustapha était le type même du kasbadji. Surnommé « Dimama », il faisait partie d’un groupe armé dirigé par Boualem Abbaza. Recherché, il a quitté Alger pour la zone 1 (Lakhdaria-Tablat) de la Wilaya IV. Il participera à la grande bataille de Zouyala, près de Miliana, ou fut décimée une compagnie entière de parachutistes légionnaires. Il y trouve la mort auprès d’une centaine d’autres moudjahidines, après s’être accrochés avec les troupes françaises pendant trois jours.

-Jeune basketteur, Allel Oukid est appelé en 1955 au service militaire et transporté à l’Ecole des officiers (France). Son stage terminé, il en ressort avec le grade de sous-lieutenant et est muté dans l’ouest algérien. Il déserte près de Tiaret et rejoint la Wilaya V. D’abord instructeur, il grimpe très vite dans la hiérarchie et devient un des cadres de la Wilaya. Il tombera au champ d’honneur le 7 Novembre 58 au lieu dit Djebel Sidi Bouzid dans la région de Laghouat, dans une embuscade des parachutistes et après un combat de deux heures, ne cédant qu’après avoir épuisé toutes ses munitions.

-Si l’on est sur que Tazairt Mohamed (Moha dziri) est tombé au champ d’honneur dans les montagnes qui surplomb Meftah, on a jamais eu de nouvelles de Boualem Mekkiri, Mohamed Slama, Mustapha Oukid (jeune frère d’Allel), Abderahmane Boussoura, Noureddine Benkanoun, sauf qu’ils sont mort pour l’Algérie, après avoir porté les couleurs « rouge et noir » de l’USMA. Tout comme l’ont porté des dizaines d’autres et tombé au champ d’honneur.

Ils ont tous eu l’occasion de connaître un 05 Juillet, celui de la date de création de l’USMA, leur club, et qui sera grâce à leurs sacrifices la date de l’indépendance de l’Algérie.
Comme quoi, un petit club de quartier resté fidèle à ses idéaux que sont la bravoure, l’honnêteté et surtout l’humilité peut cacher pas mal de secrets et de trésors.
On pourrait rajouter par ailleurs que ce n’est pas la taille mais surtout la qualité du quartier qui compte.
Une date, un destin, celui d’un club et de ses hommes. Pour que nul n’oublis.
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